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Sociologie du handicap et des personnes à besoin spécifiques : contexte sociétal et familial

Dans le cadre du cours de « Sociologie du handicap et des personnes à besoins spécifiques : contexte sociétal et familial », dispensé par Monsieur Michel Van Langendonckt, il nous a été demandé de réaliser le travail suivant :

Imaginer les portraits identitaires d’un enfant et d’un adulte sur base d’une photo. (L’une des deux personnes a une déficience et les deux sont apparentées ou liées professionnellement.)

La situation doit illustrer un point du cours et /ou l’article que nous avons choisi de synthétiser lors des présentations. Chacune des deux personnes témoigne de leur histoire et de leurs difficultés.

Enfin, réaliser une conclusion en proposant une solution ou une intervention. Que pourrait faire une spécialiste en orthopédagogie dans un tel cas ?

Pour réaliser ce travail, nous avons chacun reçu 2 cartes personnages. La première carte représente le portrait d’un enfant, comme toutes les cartes du jeu « Personita » dont elle provient. La seconde carte, quant à elle, provient du jeu « Persona » qui reprend une multitude de portraits d’adultes d’ethnies différentes.

Voici les deux cartes que j’ai reçues :

 

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Je vais dans un premier temps vous faire un bref résumé de la situation imaginée, ensuite chacun des personnages aura l’occasion de témoigner sur sa vie, je continuerai en faisant une analyse des deux témoignages et je terminerai par une conclusion portant sur une proposition de piste d’accompagnement.

 

Résumé de la situation :

Sophia a perdu ses parents très jeune dans un accident de la route. En attendant de trouver un proche de la famille pour s’occuper d’elle, elle fut placée dans un centre d’hébergement. Etant sourde de naissance comme l’étaient ses parents, le juge choisit un centre adapté. Là-bas, une demande a été faite pour qu’elle subisse une intervention pour être bi-implantée, pour lui donner un maximum de chances pour l’avenir.

Quelques années plus tard, on finit par retrouver une cousine éloignée de la maman de Sophia, elle s’appelle Isabelle. Quand elle a appris l’existence de Sophia, elle a directement entamé les démarches nécessaires pour obtenir sa garde. Depuis, Sophia vit chez Isabelle qui est également sourde.

Isabelle :

« Bonjour, je m’appelle Isabelle, j’ai 61 ans et je suis maman de 2 enfants. Quand mon mari et moi avons appris le décès d’une cousine éloignée et de son mari, nous avons également été informés qu’ils avaient eu un enfant, Sophia, qui a été placé dans une institution suite à l’accident faute de n’avoir trouvé personne pour s’en occuper.

Je me suis sentie coupable de ne pas avoir su plus tôt ce qui s’était passé. J’aurais voulu épargner à cet enfant de telles épreuves. A cause de cela, je n’ai pas pu empêcher les spécialistes qui l’entouraient de lui faire subir une opération alors qu’elle était toute jeune pour l’implanter.

Je suis sourde profonde, mon mari aussi, tout comme nos deux enfants. Je me rappelle encore à leur naissance, quand les médecins nous ont annoncé qu’ils étaient sourds, nous étions heureux. Mais nous étions surtout incompris par ces médecins entendants qui voyaenit leur surdité d’un mauvais œil, qui la voyaient comme un handicap, une maladie qu’il faut soigner.

Suite à l’annonce de l’existence de Sophia nous avons tout fait pour lui proposer un cadre de vie au sein de la communauté qui est la sienne. Nous avons réalisé les démarches nécessaires avec mon mari pour obtenir sa garde. Et elle est venue vivre chez nous. »

 

 

Sophia :

« Bonjour, moi c’est Sophia, j’ai 15 ans, je suis sourde, mais j’entend aussi, grâce à mes deux implants. Mon histoire personnelle m’a donné la chance d’avoir trois familles.

Tout d’abord, il y a mes parents biologiques qui sont morts quand j’étais petite. Je n’ai pas vécu longtemps avec eux mais je sais qu’ils m’aimaient et je ne les oublierai jamais. Ils sont ma première famille.

Ensuite, il y a « le hibou », l’institution qui ma recueillie. Je sais que ce n’est pas une famille au sens conventionnel mais ils ont été ma famille de substitution. Ils ont pris soin de moi, j’ai créé un lien avec chacune des personnes qui s’y trouvait. Les éducateurs m’ont transmis des normes, des valeurs, une certains manière d'agir, de penser, de me comporter en société. Ils m'ont aidé à grandir et c'est pour moi le rôle d'une famille.

Enfin, je suis aller vivre plus tard chez Isabelle, une tante éloignée. Elle m'a accueilli chez elle comme sa fille. Au départ, c'était un peu bizarre parce que je ne la connaissais pas mais on a vite fait connaissance. J'ai aussi rencontré son fils et sa fille avec qui je suis devenue amie. Maintenant, on vit tous sous le même toit, on fait des sorties et activités ensemble et ils sont pour moi ma troisième famille. J'aime bien vivre avec Isabelle parce qu'elle m'apporte beaucoup en terme de construction personnelle. Je découvre ce que c'est d'être entouré par une famille sourde comme j'aurais du l'être sans cet accident. 

 

Chacune de mes familles a une place dans mon cœur ; elles m'ont toutes apporté quelque chose dans ma vie.

 

En revanche, au niveau scolaire actuellement ce n'est pas la joie. Je ne me sens pas à ma place, je n'arrive pas à la trouver. 

La question de ma surdité me revient souvent en pleine figure, je ne sais pas quelle position prendre. Je le ressens bien au quotidien, je suis différente des autres, je ne capte pas toujours tout ce qui m'entoure, je dois toujours fournir un gros effort de concentration pour comprendre quand on me parle si ce n'est pas en langue des signes. La communication avec les personnes entendantes n'est pas évidente. Elles ne se rendent pas forcément compte que je suis différente, c'est vrai que ce n'est pas écrit sur mon front et mes cheveux cachent mes appareils. Quand elles ne savent pas, elles me prennent pour l'une d'entre elles mais je ne le suis pas vraiment car je dois fournir un effort important pour garder les apparences. Mais quand elles se rendent compte de ma différence, elles n'hésitent pas à la mettre en avant. Je suis alors intégrée dans le groupe mais on met en avant que je suis sourde. C'est comme quand j'étais à l'école en intégration, je venais dans une classe de l'enseignement ordinaire pour suivre des cours et j'avais une interprète avec moi, j'avais l'impression qu'il y avait écrit "handicapée" sur mon front. En revanche, quand j'étais dans l'enseignement spécialisé, j'avais l'impression qu'on avait séparé les enfants normaux et mis de côté ceux qui étaient différents pour les mettre dans cette école. J'ai rencontré d'autres jeunes sourds dans cette école mais je sentais bien que je n'étais pas comme eux, ils n'avaient pas d'appareil et m’appelaient la demi-sourde.

C'est difficile de savoir où est sa place dans de telles conditions.
 

Tout ça pour dire que ce n'est pas facile de se concentrer toute la journée, que j'en ai marre du regard des autres. Et tout ce stress autour de ma surdité m’empêche d'avancer. Et puis j'ai l'impression de ne pas avoir le niveau pour réussir des études.

Analyse de la situation et enrichissement théorique :

Au travers de ces deux témoignages, j’ai voulu mettre en évidence trois concepts clé vus au cours : la notion de famille, la notion de handicap dans la société et la notion d'intégration.

 

  • La famille

Il n'existe pas une et une seule définition/représentation de la famille, nous avons pu le constater en classe lorsque nous avons essayé de déterminer les différents types/représentations de la famille.

 

En effet, le concept de famille varie en fonction de l'endroit où nous sommes ainsi que l'époque dans laquelle nous nous trouvons. Notre représentation dépend également de notre culture, de nos croyances, de nos origines, de notre statut et classe sociale, ...

Il est donc difficile d'obtenir une définition qui convient à tout le monde.

Pour Sophia, nous retrouvons à travers sa situation trois types de représentation de "famille" :

  1. Famille biologique : Un couple fonde une famille à partir du moment où il y a une naissance. Sophia et ses parents biologiques forment ainsi une famille.

  2. Famille de substitution : La famille de substitution peut s'apparenter à une famille de cœur. Contrairement à la famille biologique, la famille de cœur peut-être choisie. Même si Sophia n'a pas décidé elle-même de son placement, elle a choisi d'accueillir les éducateurs, l'ensemble du personnel de l'institution comme sa deuxième famille. Cette seconde famille est là pour accompagner Sophia dans son développement personnel et lui permet de répondre à ses besoins fondamentaux.

  3. Famille biologique au sens large du terme : Dans la situation présente, la troisième famille de Sophia est celle d'une tante éloignée, Isabelle. Elles sont liées par les liens du sang. 

  • Le handicap

A présent, parlons du handicap, de sa signification et de ce que cela implique.

Michel Mercier et Michel Grawez le présentent comme suit dans "Le dossier. Le prix du handicap" de la Revue Nouvelle (mars 2008) :

"Le handicap n'est pas une simple affaire personnelle entre soi et son corps. Il est aussi une différence entre des majoritaires qui peuvent se dire normaux et de minoritaires qui ne peuvent pas ou plus tout à fait le prétendre."

 

Ils mettent surtout en avant, dans l'une des parties du dossier, le fait que dans la société, l'expérience le montre, nous avons bon vouloir être démocratique et faire preuve d'égalité, il n'existe pas de différence neutre.

Elle est toujours rattachée à une affirmation hiérarchique. (grand - petit - jeune - vieux - homme - femme - ...)

Au fond, la question du handicap peut clairement être analysée d'un point de vue sociétal global.

 

Je vais à présent vous présenter les grandes lignes du fonctionnement du MDH-PPH qui relate ce que je viens d'énoncer précédemment.
 

"Le Modèle de développement humain – Processus de production du handicap (MDH-PPH) est un modèle conceptuel qui vise à documenter et expliquer les causes et conséquences des maladies, traumatismes et autres atteintes à l’intégrité ou au développement de la personne. Le modèle s’applique à l’ensemble des personnes ayant des incapacités, peu importe la cause, la nature et la sévérité de leurs déficiences et incapacités."

MDH-PPH (1998)

MDH-PPH (2010)

Explicitation de la théorie :

Ce modèle montre les interactions qui existent entre trois concepts clé dans le milieu du handicap.

  • Habitudes de vie

  • Facteurs environnementaux

  • Facteurs personnels

L’épanouissement d’une personne dans la société, tout au long de sa vie, peut s’évaluer à partir de sa situation de participation sociale. Pour cela, RIPPH (Réseau International sur le Processus de Production du Handicap) a établi une échelle de mesures qui va de situation de participation optimale à situation de handicap complet.

Le souci est que cette participation sociale peut être entravée par des obstacles au sein de l’environnement, ce qui empêche et rend difficile la réalisation des habitudes de vie.

 

Le RIPPH a classé ces habitudes de vie en deux catégories : les activités courantes et les rôles sociaux.

Activités courantes

  • Communication

  • Déplacements

  • Nutrition

  • Condition physique et bien-être psychologique

  • Soins personnels et de santé

  • Habitation

Rôles sociaux

  • Responsabilités

  • Relations interpersonnelles

  • Vie associative et spirituelle

  • Éducation

  • Travail

  • Loisirs

Les facteurs environnementaux quant à eux se répartissent en facteurs sociaux et facteurs physiques.

Facteurs sociaux :

Facteurs politico-économiques

  • Systèmes politiques et structures gouvernementales

  • Système juridique

  • Système économique

  • Système socio-sanitaire

  • Système éducatif

  • Infrastructures publiques

  • Organisations communautaires

Facteurs socio-culturels

  • Réseau social

  • Règles sociales

Facteurs physiques :

Nature

  • Géographie physique

  • Climat

  • Temps

  • Bruits

  • Électricité et magnétisme

  • Luminosité

Aménagements

  • Architecture

  • Aménagement du territoire

  • Technologies

Je trouve que le MDH-PPH permet de mettre en évidence que le handicap peut être créé par des problèmes au sein de l’environnement. Une personne présentant dans ses facteurs personnels une déficience peut se retrouver dans une situation de handicap par l’inadaptation de son environnement, l’empêchant ainsi de développer sa participation sociale dans des activités du quotidien.

Le vrai handicap n'est pas forcément la déficience en elle-même mais plutôt l'ensemble des barrières qui empêchent la personne souffrant de cette déficience de participer pleinement à la société. Ces barrières environnementales peuvent être de nature physique, sociale, économique, politique, ...

Lien avec Sophia et Isabelle :

Pour Isabelle et sa famille, la surdité n'est pas un handicap mais une différence naturelle qui la définit comme appartenant à une culture minoritaire. Il n'est pas question de déficience, de soigner ou rééduquer mais plutôt de vivre au sein d'une communauté qui partage une culture qui lui est propre.

En revanche  pour Sophia, c'est un peu différent. Son handicap est entre le visible et l'invisible. Il est visible dans le sens où l'on peut voir ses appareils (implants). Son handicap va pouvoir ainsi être mis en évidence, elle tentera alors de le dissimuler pour paraître la plus normale possible même si elle n'est pas perçue comme tel. Il peut également être invisible, dans ce cas, elle va tenter de se fondre dans la masse pour paraître normale, elle contrôlera l'information sociale qui circule pour garder les apparences.

Elle est donc partagée entre :

          - accepter sa différence (et donc renoncer à la normalité) que ce soit vis-à-vis des personnes

            entendantes ou sourdes. 

          - s'accepter comme normale (ce qui implique de cacher, couvrir et nier sa différence)

Mais je pense qu'il existe une troisième possibilité, s'accepter comme elle est. Et c'est sur cette question que je souhaite baser mon accompagnement.

Piste d'accompagnement :

En tant que future spécialiste en orthopédagogie, je pense que je proposerais un accompagnement ciblé sur l'acceptation de l'implant tant pour Sophia que pour ses parents adoptifs. Cependant, il me semble important de travailler également sur la confiance en soi de Sophia.
 

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